De Pantin aux Quartiers nord de Marseille, la débrouille face aux urgences de la crise sanitaire

Alors que nous sommes entrés en phase de déconfinement, les habitants des quartiers populaires ont dû faire face à des situations extrêmes pendant la crise sanitaire. Face à l’absence des autorités et à la présence limitée des acteurs associatifs habituels, l’heure était alors à l’auto-organisation. Afin de répondre aux besoins essentiels d’alimentation et d’hygiène des initiatives ont fleuri dans toute la France, comme à Pantin ou à Marseille.

Des bénévoles de l’association Les Têtes Grêlées à Pantin (93), déchargent le minibus des denrées alimentaires qui seront ensuite distribués à des habitants de la ville.

Le 18 avril dernier, Georges-François Leclerc, préfet de Seine-Saint-Denis, redoutait « des émeutes de la faim dans le département » dans un mail révélé par le Canard enchaîné. Les personnes les plus précaires ont été encore plus fragilisées par la crise COVID-19, en témoigne les images de files d’attentes interminables pour aller chercher l’aide alimentaire. Dans les Quartiers nord de Marseille, des associations ont réquisitionné un McDonald’s fermé en décembre 2019, pour organiser la livraison de colis aux plus démunis. A Pantin, dans le 93, diverses associations d’aide aux plus démunis, sportives et culturelles, ainsi que des habitants de la ville se sont fédérés pour former Solid-19, un réseau d’associations autogéré répondant à l’urgence de la crise sanitaire.  Ce sont des associations telles que les Têtes grêlées à Pantin ou le Syndicat des Quartiers Populaires de Marseille (SQPM) qui ont tenu à bout de bras les populations précaires pendant le confinement. Si les émeutes de la faim n’ont pas eu lieu pendant la quarantaine, l’urgence alimentaire, elle, n’a pas disparu. Le MC Do de Saint Barthélémy fait donc toujours office de drive face à l’urgence alimentaire des quartiers populaires marseillais. Le fast-food ayant mis la clé sous la porte en décembre dernier après deux ans de luttes des salariés, il a été réquisitionné au début du confinement pour faire face à l’urgence. Après quelques jours de quarantaine, Salim Grasbi du SQPM et Kamel Guemari, l’ancien directeur-adjoint du restaurant, constatent en effet que des gens ne peuvent plus se nourrir. Ils décident ainsi de demander la réquisition du McDo pour mettre en place un drive solidaire. « On a fait les choses dans les règles, mais leurs avocats nous ont répondu qu’ils ne voulaient être associés, ni de près, ni de loin, à cette démarche solidaire. Comme Kamel a encore les clés, on a décidé de le réquisitionner le 6 avril. Tous leurs outils restent en place, et le restaurant sera complètement nettoyé pour qu’ils récupèrent leurs biens » assure Salim Grasbi dans les colonnes de 20 Minutes.  Tous les jours ils distribuent alors près de 550 colis alimentaires répartis dans 45 quartiers de Marseille, sans oublier ceux destinés aux maraudes pour les SDF.  Mais les bénévoles déplorent l’abandon total des autorités pendant la crise sanitaire. Si la Métropole de Marseille a tenté de se rapprocher timidement du réseau d’association ces dernières semaines, les volontaires se sont retrouvés bien seuls face à la détresse des gens.

Face à la pauvreté : autonomie et solidarité

Ce sentiment de délaissement, à Pantin les bénévoles l’ont ressenti eux aussi. « Si on n’en est pas encore là, c’est grâce aux associations. Mais la réalité, c’est qu’on est dépassés et qu’au-delà des quelques denrées qu’on distribue, on n’a pas le pouvoir de résoudre tous les problèmes rencontrés par les familles du 93 : sous-équipement dans les hôpitaux, logements surpeuplés, insalubres, pertes d’emploi. Nous faisons tampon pour la première vague de cette crise, mais l’État doit prendre des mesures d’ampleur, dans tous ces secteurs. » confie Wodiouma Sylla, président de l’association des Têtes grêlées pour le journal Reporterre. Avec le minibus du club de foot local, l’Olympique de Pantin, les bénévoles se sont mobilisés durant tout le confinement pour livrer des denrées alimentaires et des kits hygiéniques aux personnes les plus fragilisées par la crise. Avec la cagnotte Leetchi Solid19, les bénévoles ont fait des courses en grandes surfaces. Ils ont également pu se fournir grâce aux dons d’autres associations solidaires et de particuliers. « La plupart, c’est des personnes qui font des boulots de ménage, de chantier, des missions d’intérim. Elles n’ont plus les revenus, les enfants ne sont plus à la cantine donc il faut assurer les repas, ça coûte plus cher, les listes grandissent.»  affirmait le président des Têtes Grêlées pour Europe1 le 21 avril dernier. Malgré le déconfinement, les bénévoles restent pugnaces. Désormais installé au gymnase Léo Lagrange, Solid19Pantin prévoit une distribution chaque jeudi de colis de premières nécessités jusqu’à la fin juin. Plus de 1100 pantinois en bénéficient, peut-on lire sur la page Facebook de ce nouveau réseau d’associations. A Marseille aussi les associations ne lâchent rien. Le McDonald’s de Saint-Barthélemy étant fermé depuis décembre 2019, les bénévoles qui l’ont investi pendant la crise sanitaire souhaiteraient en faire un restaurant d’insertion. Ils sont alors entrés en discussion avec l’enseigne de fast-food pour pouvoir transformer ce lieu en un point d’ancrage de diverses associations des Quartiers nord. Mais cette initiative doit être soutenue par les pouvoirs publics. L’ensemble des bénévoles regrettent en effet que seules les structures institutionnalisées bénéficient de subventions, or celles-ci étaient absentes pendant la crise COVID-19. C’est pour cela que 50 associations marseillaises ont lancé « l’Appel des oubliés », avec pour objectif de rendre visibles les acteurs de terrains. Parmi eux, Salim Grabsi fait office de figures centrales, et il déborde d’idées : « On vient d’organiser un grand moment festif avec l’Algérino, on a régalé 1200 petits » se réjouissait-il auprès de L’Escargot dimanche dernier, jour de fête célébrant la fin du ramadan. A l’instar des Quartiers nord marseillais ou des habitants de Pantin, les initiatives solidaires et autonomes ont été nombreuses durant le confinement. De la micro-filière textile mise en place par des couturières de Saint-Denis pour produire des masques, au relogement d’urgence coordonné par le collectif Lillois C.A.S.A, la crise du COVID19 aura au moins eu le mérite de prouver que l’auto-organisation est une alternative sérieuse à l’économie de marché et aux institutions.

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Par @EtienneBnt

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