COVID-19 : les restaurateurs entament un bras de fer avec les assurances

Hier, le mardi 28 avril 2020, le Premier ministre a annoncé officiellement que les bars, hôtels et restaurants ne rouvriront pas avant le mois de juin. L’ensemble de la profession est donc inquiète pour l’avenir. Or, la compensation d’une partie des pertes d’exploitation des établissements par les compagnies d’assurances, aiderait grandement à dissiper les tourments de nombreux restaurateurs. C’est pourquoi, Stéphane Manigold, patron de restaurants parisiens – La Maison Rostang, Constrate, Substance et Le Bistrot d’à Côté Flaubert – attaque son assureur Axa en justice, suivi de près par de nombreux confrères de l’hôtellerie-restauration qui veulent se faire entendre.

Le collectif #Chefsenperil rassemble de nombreux professionnels de la restauration qui appellent le gouvernement, les assurances et la banques à les aider. Crédit image : http://www.foodandsens.com

« Cela fait 10 ans que je cotise chez eux pour justement recevoir de l’aide quand ce genre de problème se présente »

Il y a à peine un mois, le gouvernement annonçait la mise en place d’un fond de solidarité à hauteur de 1500€ pour soutenir les entreprises perdant jusqu’à 50% de chiffre d’affaire en cette drôle de période. Un fond de solidarité auquel les assureurs ont participé à hauteur de 400 millions d’euros. C’est un geste « absolument colossal » affirme Florence Lustman, présidente de la Fédération Française de l’Assurance (FFA). Pas sûr que le chef Stéphane Manigold, le restaurateur qui attaque Axa Assurance, soit du même avis. Et lorsque l’on sait que le secteur de l’assurance dégage un bénéfice net 12,9 milliards d’euros, on serait tenté de qualifier ce geste non pas de « colossal » mais plutôt de « dérisoire ». C’est en tout cas ce que laissent entendre de nombreux professionnels de la restauration tel que Stéphane Jégo, patron du restaurant L’Ami Jean à Paris, qui a lancé une pétition récoltant près de 140 000 signataires. Celle-ci s’intitule « Sauvons nos restaurants et producteurs », et elle appelle le gouvernement à décréter l’état de catastrophe naturelle sanitaire. « Cela fait 10 ans que je cotise chez eux pour justement recevoir de l’aide quand ce genre de problème se présente. Mais j’ai pas reçu un coup de fil, rien. Quand je les appelle, c’est la politique de l’autruche. Ils m’expliquent qu’ils ne savent pas quoi faire pour m’aider, etc. C’est n’importe quoi.«  s’agace Nicolas Epiars, restaurateur à Aigues-Mortes, dans les colonnes de France Bleu Gard. Le chef occitan n’est pas un cas isolé, beaucoup de professionnels appellent au secours afin de limiter la casse dans un secteur économique encore composé de TPE et PME… Un collectif de restaurateurs à d’ailleurs vu le jour : #Chefsenpéril, et il a interpellé le gouvernement en adressant une lettre à Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie. Mais la FFA n’en démord pas.  « La pandémie n’est pas assurable parce que finalement, l’assurance c’est la mutualisation et donc ceux qui n’ont pas de sinistre financent les sinistres de ceux qui en ont. En ce moment ce qui se passe c’est que tout le monde a un sinistre au même moment donc (…) les mécanismes de mutualisation ne peuvent pas fonctionner » déclarait Florence Lustman sur BFM Business. Il faut dire que la mutualisation, quand elle est privée, rapporte gros : 220 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2018 pour le secteur de l’assurance et 234 milliards pour celui de la réassurance. Quid de l’assurance de la réassurance ?… Quoiqu’il en soit, la présidente de la FFA ne veut pas y laisser sa peau. Or, la prise en charge de la perte d’exploitation s’élèverait à un montant global de 60 milliards d’euros d’après ses calculs, ce qui  » mettrait le secteur de l’assurance par terre « . L’Union des Métiers de l’Industrie Hotelliere (Umih), principale organisation dans l’hôtellerie-restauration ne parle pourtant pas d’une prise en charge à 100% des pertes d’exploitation, mais au minimum 30%.

La livraison et le drive… Pas pour tout le monde

Une autre mesure est réclamée par l’organisation : la suspension des loyers jusqu’à la reprise d’activité. Si le président Emmanuel Macron, a annoncé la possibilité de reporter ceux-ci, l’Umih veut donc aller plus loin. Sur le plateau de Jean-Jacques Bourdin, Mickael, restaurateur à Briançon, témoignait :  « Il me reste un mois de trésorerie. C’est difficile de se relancer encore dans un prêt. […] Je suis locataire de mon restaurant, je demande aux propriétaires de nous offrir nos loyers, ce qui serait une bouffée d’air par rapport à nos charges« . Le chef Stéphane Manigold, présent sur le plateau se disait favorable à cette proposition. Heureusement, de nombreux établissements ont mis en place des systèmes de ventes à emporter ou de livraisons. Malheureusement, cela n’est pas faisable par tous. La livraison est notamment compliquée lorsque les restaurateurs ne possèdent pas de camion-frigo. Certains comme Pascalle, qui témoigne sur le groupe Facebook « Bar en péril / Chef En Peril / Restaurant En Peril », affirme ne même pas être autorisés à rouvrir uniquement pour la livraison : « Je possède une fromagerie charcuterie tapas à emporter ou sur place dans des halles en station balnéaire, et je ne peux même pas ouvrir ni l’emporter ni la livraison en laissant ma cellule fermée. ». A côté de cela, les restaurants Mc Donald’s rouvrent petit à petit leur Drive partout en France. Dans la région de Tours, 12 d’entre eux, tous appartenant à l’homme d’affaire Bernard Simmenauer, n’ont d’ailleurs jamais fermé, au mépris des règles sanitaires et de la protection du personnel. Sur le groupe Facebook que j’ai évoqué précédemment, on peste donc contre le géant américain et les longues files d’attentes de clients qui trépignent avant de déguster leur hamburger. Ce genre d’images à l’instar d’Amazon qui a continué d’exercer son activité normalement pendant près d’un mois alors que de nombreux petits commercent étaient fermés, contribuent à diffuser le sentiment selon lequel tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.

Capture d’écran Twitter @stevebelgoz

Comme tous les commerces, les bars, hôtels et restaurants subissent donc de plein fouet la crise sanitaire en cours. Malheureusement, ils risquent d’être les premiers impactés par la crise économique dans laquelle nous plongeons. Si la collectivité supporte déjà un effort important dans le plan de sauvetage des entreprises — avec les Prêts Garantis par l’Etat (PGE), l’aide complémentaire (s’ajoutant au fond de solidarité, elle peut s’élever jusqu’à 10 000 euros lorsque celui-ci n’est pas suffisant), et l’exonération des charges patronales pour les TPE/PME — il semble juste pour de nombreux professionnels que la participation des banques et des assurances à l’effort collectif soit à la hauteur de celui des contribuables.


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